lundi 4 mai 2015

Primo LEVI : Si c'est un homme

Le récit d'un passé qui ne s'oublie pas  :  témoignage de l'enfer de l'univers concentrationnaire.

Primo Levi signe un roman autobiographique poignant sur sa déportation. Son livre a été publié en 1947, d'abord passé inaperçu, puis traduit dans de nombreuses langues après la parution de son second roman, la Trêve (1963), mais seulement en 1987 en France.
Son écriture ne recèle ni pathos ni envie de revanche, comme on pourrait l'attendre d'une victime de la Shoah, elle est sobre et posée. Le ton est neutre et dépassionné. En effet, l'auteur a utilisé comme support un rapport technique qu'il avait rédigé avec un autre déporté pour les Alliés sur le camp d'Auschwitz. Il voulait livrer un récit historique, pour exposer la vie dans un Lager telle qu'elle était vraiment. Son récit est digne et amène à s'interroger sur la condition humaine, sur la douleur.

Le quotidien d'un homme humilié, réduit à sa simple appartenance et non plus à son identité.
Au fil des jours, nous le suivons partout, au travail, aux toilettes, lors de la tonte hebdomadaire, lors de la distribution de pain matinale… Le lecteur est véritablement transporté soixante-dix ans en arrière, aux côtés de l'auteur, survivant avec lui, jour après jour, luttant contre la faim, le froid, la boue… Le lecteur se rend alors vraiment compte de l'horreur de la vie dans les camps, de « l'organisation » mise en place pour survivre, ce trafic permanent : une cuillère contre une ration et demi de pain, un balai volé contre dix rations de pain, un ticket confirmant votre passage sous la douche contre deux rations de pain. Tout faire pour survivre tant bien que mal.
On assiste à l'évolution des relations avec ses compagnons d'infortune par des dialogues multilingues plutôt rares présentant la fraternité évidente entre les déportés, mais aussi cette rivalité étonnante : les chemises volées aux petits nouveaux pas encore au courant qu'il ne faut pas laisser sans surveillance ses « affaires personnelles » se résumant à une paire de sabots de bois, une chemise de toile, un caleçon, une veste, un pantalon, et une cuillère et une gamelle pour les plus dégourdis. Le « chacun pour soi » omniprésent.


Des réponses à des questions restées longtemps taboues et sans réponses.
Un style d'écriture unique, avec de longues phrases pour pouvoir tout dire, tout raconter, dans un registre de langue plutôt soutenu. Une lecture poignante, émouvante. Un livre captivant, qui tient le lecteur en haleine, curieux de savoir comment le narrateur a pu survivre alors que tant d'autres ont péri. L'auteur, par un récit détaillé, oblige le lecteur à connaître la réalité de ce qui s'est passé dans ce camp d'Auschwitz. Et le plus grandiose, c'est que ce devoir de mémoire est apaisant pour le lecteur car il sait enfin ce qu'il s'est vraiment passé dans les camps nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les nombreuses incertitudes concernant l'univers concentrationnaire, la haine des nazis envers les juifs, dues au silence de l'après-guerre, au refus de connaître la vérité et d'en parler disparaissent grâce à des réponses à ces questions inclues dans un appendice final.
Primo Levi
On ressent alors de l'empathie mais pas de la pitié pour le narrateur qui sait si bien circonstancier son récit sans s'apitoyer sur son sort.
En 1976, il a complété son récit par des réponses aux questions récurrentes qui lui étaient posées. Il explique son absence de haine et la sobriété de son récit par l'impossibilité pour lui de haïr une armée de fantômes, les nazis ayant été réduits à néant. Le lecteur ressort soulagé de la lecture de ce récit autobiographique car il connaît enfin les détails de la vie quotidienne, des horreurs du camp d'Auschwitz. Il est reconnaissant à l'auteur de lui décrire précisément la réalité, et de l'amener à réfléchir sur la condition humaine, sans s'appesantir sur le sentiment de pitié.

Cyann Starck,

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