mardi 26 mai 2015

Atelier d'écriture avec Anne Lecap : cartes de poilus


Jeudi 21 mai, Anne Lecap, auteur de "Quand la révolte gronde" et de "Baptiste sans port d'attache" était de retour à Privas où elle a grandi et où elle situe son roman. Elle a rencontré plusieurs classes de 5e et animé deux ateliers d'écriture. Professeur d'histoire, elle a présenté la période du Front Populaire, le cadre de son roman. Les nombreux objets, revues... témoins de ce passé pas si lointain passaient de main en main. L'occasion pour les élèves de découvrir les conditions de vie et de travail dans les années 1930. L'occasion aussi de rencontrer un écrivain et d'échanger avec elle sur l'écriture, l'édition.



L'atelier d'écriture : un des personnages du roman, assez mystérieux disparaît durant la guerre de 14. Après la lecture de vraies cartes postales du front, chacun se mettait dans la peau d'un personnage : poilu écrivant à sa famille ; fiancée, parents écrivant à un soldat et rédigeait sa carte postale.

 

Lettres du Front


Ma chère Gisèle,
Je t'écris en ce jour de Noël. Un Allemand désarmé est sorti de la tranchée ennemie et s'est mis à crier en français : "Faisons une trêve, c'est Noël, Noël !" Il parlait assez mal mais assez bien pour qu'on comprenne. Nous avons envoyé quelqu'un pour savoir si c'était un piège, puis nous sommes sortis de notre tranchée sans armes et nous avons vu les soldats allemands sortir à leur tour désarmés. Puis nous avons planté un arbre et nous nous sommes offert des cadeaux. Si la paix pouvait revenir !

Ma chère Maman,
Je t'écris pour te dire que j'ai demandé à mon général si je pouvais passer dans l'infanterie car je donnerai tout pour la France. Hier, j'ai perdu mon meilleur ami. Il s'est pris un obus en pleine tête. Je t'envoie une caresse. Je pense souvent à mes frères. Je vous aime. Flavien

Ma chère Grand-Mère,
Depuis que je suis partie, j'ai beaucoup de travail. Il y a eu beaucoup de pertes et de blessés. J'ai été touchée mais je suis rétablie. Bon, je te laisse, on m'amène un blessé.
Je t'envoie un bécot. Amélie

Ma chère soeur,
Aujourd'hui une nouvelle attaque des Allemands est survenue, j'ai vu tomber une pluie de balles, je me suis camouflé. Je vous embrasse tous. Adieu.

Cher Père,
Le froid me glace et mes yeux me piquent. Tous ces cadavres et ces pleurs me traumatisent. La peur et la saleté m'envahissent. Je pense à vous et pour toujours. Les éclats d'obus nous marquent. La mort est près de nous. Ton fils Charles qui t'embrasse.


Ma chère Maman,
On dort debout, à genoux, assis, on dort le jour ou la nuit. Hier encore, un de mes amis est mort devant moi. Mais je vais bien. Ton fils Mathis


Chère Sophie,
Je t'écris aujourd'hui pour t'annoncer que je me ferai pendre quand tu recevras cette lettre. J'ai déserté le Front, j'en avais marre de voir des hommes mourir pour cette guerre stupide. Ton amour

Mon Amour,
J'espère que tout va bien pour toi, tu me manques énormément. Occupe-toi bien de notre fille et de notre fils. Dis-leur que je les aime et qu'ils me manquent beaucoup. Je reviens dans quelques jours vous voir, ne le dis pas aux enfants, je leur ferai la surprise. Je vous embrasse tous.

Ma très chère Simone,
Tu me manques énormément, je pense toujours à toi, ma permission arrive dans peu de temps. Je pense très fort à nos retrouvailles. Il fait très froid et c'est très rude. A très bientôt. Bécot

Chère mère,
Je suis aujourd'hui dans les tranchées, les rats et les poux sont partout. La mort est proche, les obus éclatent très proches du camp. J'espère que ce n'est pas la dernière lettre que je t'envoie. Ton fils qui t'aime Rémi

 

Lettres de l'arrière


Mon Mari,
Je vais bien, tu me manques. J'espère que tu reviendras vivant. Dans le colis, je t'envoie de quoi ne pas mourir de froid et de faim. A l'usine, la cadence est de plus en plus rapide. Je t'embrasse Manon

Cher Henri,
J'espère que là-bas, cet endroit où tout me paraît horrible et terrifiant, tu survis. Je ne supporte plus ces heures sans ta présence. S'il t'arrivait quoi que ce soit, j'en mourrais de douleur. Je t'aime. Marlène

Mon très cher mari,
Je t'envoie cette carte pour te montrer que ton fils est très fier de toi. Il veut te rejoindre. On t'aime fort, on pense toujours à toi. J'espère que tu viendras dans peu de temps. Je te fais un bécot Ysaline


mardi 12 mai 2015

On l'a lu !!!

Titre : Après
Auteur : Francine PROSE
Genre : Récit d'anticipation

Le lycée Central Hight un lycée paisible et sans histoire rentre dans un régime de plus en plus totalitaire, depuis la fusillade dans un lycée voisin : « Pleasant Valley »

La couverture fait penser à un roman policier, on y voit une caméra de surveillance comme en prison. Les couleurs sont simples et froides mais elles expriment les effets du roman.

Le format est volumineux et les écritures sont grosses et simples à lire. Le livre est facile à lire, mais pour les élèves de fin de collège, début lycée.

Le style de l'écriture de ce roman est dramatique mais quelques passages sont ironiques. Le registre de la langue est familier. Ce roman intègre beaucoup de dialogues.

L'atmosphère du roman est froide, frissonnant, étrange et nous éveille un sentiment de curiosité. On suppose la suite des évènements mais on est souvent surpris par l'intrigue.

Les relations entre les personnages sont amicales, familiales, froides et parfois distantes. L'histoire est originale, elle se passe aux États Unis au 21ème siècle .


Notre opinion sur le livre !
Le livre est attachant, inspirant, révoltant !
Un vrai souffle de nouveauté dans notre magazine et très facile à lire. Francine PROSE a très bien su faire un récit d'anticipation...

                               A LIRE !!!!!!
   Ornella et Julie 
«Un jeune garçon se retrouve dans la tourmente d'un lycée devenu totalitaire »

«Un vrai-chef d'oeuvre» Elle

«Nous sommes pris dans cette tourmente» Le Dauphiné

«Un livre poignant auquel on s'attache vite » Le Monde

«Un lycée dans lequel nous n'avons pas envie de mettre pieds» Marie-Claire

Votre avis nous intéresse !


De XreadUSAX : «J'ai beaucoup aimé ce livre, il est révoltant !»

De love-lecture : «J'ai apprécié ce livre malgré un début difficile.»

De Sandrine0940 : «Ce livre ne m'a pas plus car il était trop dur !!»

De Jean-Charles de Montreux : «Le livre manque de culture française, ce livre n'est pas assez soutenu.»

De lili-panda : «Le héros est attachant et raconte son histoire à la merveille» 

De Carole-Max : « Le livre manque de suspense, on s'attend trop à ce qui va se passer»

De Mangapassion : «J'ai commencé le livre par la fin, comme pour les mangas et j'ai pas tout compris...»


lundi 11 mai 2015

Charlotte ERLIH : 20 pieds sous terre

Le frère de Manon est découvert électrocuté sur les rails du métro parisien. Le rapport de police est formel : mort accidentelle. Pour Manon, cette mort n'est pas naturelle. De son côté, elle enquête et découvre peu à peu la face cachée de son frère : sa passion pour le graf, ses relations avec le mileu de la nuit, ses amours clandestines...
Manon dans sa quête prend tous les risques, elle se découvre elle-même, suspens et surprises sont au rendez-vous. Une plongée dans le monde fermé des graffeurs, les dessous de la capitale. Une leçon de tolérance aussi où la figure de l'autre est souvent présente : étranger, graffeur, délinquant, homosexuel, SDF, gothic, malade. Un bon thriller par l'auteur du prix Sésame 2014.VA

lundi 4 mai 2015

Primo LEVI : Si c'est un homme

Le récit d'un passé qui ne s'oublie pas  :  témoignage de l'enfer de l'univers concentrationnaire.

Primo Levi signe un roman autobiographique poignant sur sa déportation. Son livre a été publié en 1947, d'abord passé inaperçu, puis traduit dans de nombreuses langues après la parution de son second roman, la Trêve (1963), mais seulement en 1987 en France.
Son écriture ne recèle ni pathos ni envie de revanche, comme on pourrait l'attendre d'une victime de la Shoah, elle est sobre et posée. Le ton est neutre et dépassionné. En effet, l'auteur a utilisé comme support un rapport technique qu'il avait rédigé avec un autre déporté pour les Alliés sur le camp d'Auschwitz. Il voulait livrer un récit historique, pour exposer la vie dans un Lager telle qu'elle était vraiment. Son récit est digne et amène à s'interroger sur la condition humaine, sur la douleur.

Le quotidien d'un homme humilié, réduit à sa simple appartenance et non plus à son identité.
Au fil des jours, nous le suivons partout, au travail, aux toilettes, lors de la tonte hebdomadaire, lors de la distribution de pain matinale… Le lecteur est véritablement transporté soixante-dix ans en arrière, aux côtés de l'auteur, survivant avec lui, jour après jour, luttant contre la faim, le froid, la boue… Le lecteur se rend alors vraiment compte de l'horreur de la vie dans les camps, de « l'organisation » mise en place pour survivre, ce trafic permanent : une cuillère contre une ration et demi de pain, un balai volé contre dix rations de pain, un ticket confirmant votre passage sous la douche contre deux rations de pain. Tout faire pour survivre tant bien que mal.
On assiste à l'évolution des relations avec ses compagnons d'infortune par des dialogues multilingues plutôt rares présentant la fraternité évidente entre les déportés, mais aussi cette rivalité étonnante : les chemises volées aux petits nouveaux pas encore au courant qu'il ne faut pas laisser sans surveillance ses « affaires personnelles » se résumant à une paire de sabots de bois, une chemise de toile, un caleçon, une veste, un pantalon, et une cuillère et une gamelle pour les plus dégourdis. Le « chacun pour soi » omniprésent.


Des réponses à des questions restées longtemps taboues et sans réponses.
Un style d'écriture unique, avec de longues phrases pour pouvoir tout dire, tout raconter, dans un registre de langue plutôt soutenu. Une lecture poignante, émouvante. Un livre captivant, qui tient le lecteur en haleine, curieux de savoir comment le narrateur a pu survivre alors que tant d'autres ont péri. L'auteur, par un récit détaillé, oblige le lecteur à connaître la réalité de ce qui s'est passé dans ce camp d'Auschwitz. Et le plus grandiose, c'est que ce devoir de mémoire est apaisant pour le lecteur car il sait enfin ce qu'il s'est vraiment passé dans les camps nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les nombreuses incertitudes concernant l'univers concentrationnaire, la haine des nazis envers les juifs, dues au silence de l'après-guerre, au refus de connaître la vérité et d'en parler disparaissent grâce à des réponses à ces questions inclues dans un appendice final.
Primo Levi
On ressent alors de l'empathie mais pas de la pitié pour le narrateur qui sait si bien circonstancier son récit sans s'apitoyer sur son sort.
En 1976, il a complété son récit par des réponses aux questions récurrentes qui lui étaient posées. Il explique son absence de haine et la sobriété de son récit par l'impossibilité pour lui de haïr une armée de fantômes, les nazis ayant été réduits à néant. Le lecteur ressort soulagé de la lecture de ce récit autobiographique car il connaît enfin les détails de la vie quotidienne, des horreurs du camp d'Auschwitz. Il est reconnaissant à l'auteur de lui décrire précisément la réalité, et de l'amener à réfléchir sur la condition humaine, sans s'appesantir sur le sentiment de pitié.

Cyann Starck,

Et "Après" que se passe-t-il ? Que deviennent-ils ?

Attention les yeux ! Quatre ans après la sortie de son livre « Un homme changé » Francine Prose revient avec « Après ». Inutile de tourner autour du pot : la recette est toujours aussi efficace !

Francine Prose
  D'un état libre à un Etat totalitaire : c'est le sujet du livre de Francine Prose dans son roman passionnant : « Après ». Elle nous montre comment suite à un événement tragique, le monde peut basculer, comment sous le prétexte sécuritaire, la privation de la liberté s'installe et comment de la paranoïa on passe à la terreur.
    

     Suite à la tuerie sanglante dans le lycée de Pleasant Valley, la vie des étudiants de Central High change radicalement. Après l'horreur, un conseiller spécialiste de la gestion de crise va s'installer dans leur lycée. Petit à petit, des mesures de censure vont être prises : plus le droit de porter du rouge, de mâcher des chewing-gums, portables proscrits, certaines lectures sont jugées subversives.  Fouilles systématiques à l'entrée du lycée suivies de réunions moralisatrices, des sujets tabous, des documentaires historiques dans le bus, des mails quotidiens aux allures de propagande envoyés aux parents, des camps de redressement vendus comme des centres psychologiques, d'étranges disparitions..

      Très efficace, la prose de Francine Prose (oh ! oh!) nous entraîne dans les méandres d’un récit hyper actuel qu'elle construit et déroule sous nos yeux ébahis. Un nœud au ventre accompagne un plaisir de lecture évident, la tension monte sans cesse… Suivez le calvaire quotidien de Tom, Brian, Avery, Silas et Brenda… Que deviendront-ils ? S’en sortiront-ils ? Et indemnes ?
       230 pages d'une écriture facile et entraînante, chargée d'intrigues, Francine Prose nous plonge dans un lycée du 21ème siècle, à travers l'esprit d'un ado et nous montre de façon crescendo comment on peut imposer des privations de liberté, et comment des ados tranquilles peuvent trouver en eux la rage de s'opposer. Et vous, si un beau jour vos libertés s’envolaient, oseriez-vous faire front ? 
 
      J'ai adoré ce livre. Les nombreux dialogues rendent la lecture vivante. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, plus l'histoire s'assombrit, plus le destin heureux du roman semble compromis, plus je me délecte, plus je me régale. Je ne saurais expliquer pourquoi, mon sadisme naturel sûrement … Je vis avec ces ados, ayant le même âge qu'eux, je m’identifie à travers eux, et m’insurge.
  
Alors un conseil, n’hésitez pas, tous à vos livres.
                                Manon B.